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Les carnets de Radicale
26 juin 2010

Gagner la guerre

gagnerlaguerre

Jean-Philippe Jaworski
Les Moutons Électriques

"Et c'est pour me raconter des histoires que vous me faites l'honneur insigne de vous geler les miches avec moi ? grommelai-je.
- Rien n'a plus de valeur qu'une histoire."

Don Benvenuto est un assassin de la Guilde des Chuchoteurs. Depuis un certain temps, il est l'espion personnel du Podestat de la République à Ciudalia. Alors que Ciudalia est en train de prendre l'avantage dans la guerre navale contre Ressine, Benvenuto se retrouve sur une galère attaquée par des Ressiniens, et va devoir se sortir d'un bien mauvais pas...

Voilà donc mon avis sur ce pavé de 700 pages, qui m'a occupé un certain temps !
Je vais avoir du mal à décrire cet excellent roman. A l'origine, il m'a été présenté comme de la fantasy, mais à part un peu de magie et deux ou trois elfes par-ci, par-là, il pourrait tout aussi bien être un roman historique ou d'aventures. Oublions donc cette volonté de vouloir le classer dans un genre.
Une des grandes forces du livre, c'est la narration du héros, un type peu recommandable élevé dans les bas-fonds de la ville et qui a atteint une position inespérée (et convoitée) dans l'entourage très proche du Podestat. Le style est particulier, d'une part parce que Benvenuto y emploie de l'argot, mais aussi parce que le champ lexical de la guerre et de la stratégie est prégnant sur certaines parties. Très honnêtement, en lisant le premier chapitre, j'avais l'impression de comprendre un mot sur deux, car les descriptions se font avec du vocabulaire maritime ; mais cette difficulté passe très vite, déjà parce qu'une infime partie se passe sur des bateaux, et puis parce que l'histoire prend le dessus et l'écriture prend de l'ampleur en même temps que l'intrigue devient absolument passionnante. Pour ça, pas besoin d'attendre longtemps : le premier chapitre nous offre un retournement de situation absolument inattendu, qui lance le suspense. Et il en sera ainsi tout au long du livre : chaque action va avoir des conséquences, chaque personnages rencontré joue un rôle dans la suite de l'histoire, tout est brillamment imbriqué de façon à surprendre le lecteur. Le plus jouissif dans tout ça, c'est qu'à aucun moment l'auteur n'a utilisé de subterfuge grossier pour faire un cliffangher, tout est justifié, avec une logique politique très fine, surtout dans la dernière partie où j'ai réellement ressenti le sens de vouloir Gagner la guerre. C'est donc plein d'action, mais aussi de réflexion sur les subtilités du pouvoir, la manipulation des foules et les complots dans l'ombre. Le point de vue de Benvenuto est particulièrement intéressant puisqu'en tant qu'homme de main, il voit l'Histoire se faire et se défaire en temps réel. Et nous, lecteurs, nous suivons pas à pas les raisonnements qu'il applique dans les situations difficiles, négociations, emprisonnements ; tantôt malin voire brillant, tantôt naïf, en tout cas toujours roublard, il est extrêmement attachant.
januaveraJe le retrouverai avec plaisir cet été dans le recueil de nouvelles Janua Vera, pour me replonger dans l'univers de cet auteur talentueux !


Le gonfalonier Velado Fruga nous faisait son rapport avec un laconisme très militaire. Mais s'il passait sur les détails, j'avais une expérience suffisante de la guerre navale pour me représenter la réalité sordide de ce qui s'était passé au large de Cyparissa. J'imaginais très bien la lueur crue des incendies, l'odeur de poix et de bois carbonisé, le chaos qui s'empare de l'équipage, le sauve-qui-peut général par-dessus bord, les trois cents forçats enchainés de la chiourme qui hurlent dans le ventre du navire, avant de crever asphyxiés ou grillés vifs... Et puis se retrouver à l'eau, ballotté par une houle puissante entre l'épave en feu, les nappes de naphtes enflammées, les coques énormes des navires ennemis dont l'étrave menace de vous broyer les os. Et deviner autour de vous les compagnons qui se noient parce qu'ils ne savent pas nager, parce qu'ils sont trop grièvement brûlés ; et ceux, marins ou simples soldats, dont la vie ne vaut pas une poignée de jetons, que les janissaires laissent mourir d'épuisement, quand ils ne les achèvent pas à coup de rame sur le crâne... Et crier, lutter contre les vagues qui vous giflent la bouche et le nez, beugler le bras dressé au-dessus des flots, brailler que je suis patricien, que je suis capitaine, que je vaux mon poids de florins, dans l'espoir d'être sauvé par ceux-là mêmes qui m'ont jeté au bouillon, qui m'ont emporté la moitié de la gueule, qui massacrent mes hommes. Tout cela pour me retrouver à fond de cale, enchainé, moqué, frappé, et bienheureux si on n'oublie pas de m'apporter un godet d'eau croupie.

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Commentaires
R
Merci Rose, et bravo pour ta résolution, j'espère que tu ne le regretteras pas !
R
Bon, c'est définitif, j'achète ce bouquin dès qu'il sort en poche !! Tu as vraiment aiguiser ma curiosité et le pavé ne me fait pas peur... Lorsque l'on est pris par l'histoire, les retournements de situations et l'écriture, on ne voit pas le temps passer et les pages se tourner!<br /> Et puis, c'est comme une aventure en deux ou trois tomes après tout ;)<br /> J'espère que je l'apprécierai autant que toi!<br /> Très bel article, en tout cas !
L
Je me lancerais quand j'aurais le livre (^_^)
R
Héhé, j'espère bien qu'au moins une de vous osera se lancer ^^
L
J'ai oublier de dire que la couverture est somptueuse (♥‿♥)
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